Interview

Michel Thierrin, un scorpion sous le signe du poisson

On peut dire qu’il fait partie des meubles, puisqu’il est arrivé à la BCV le 1er février 1993. Il est toujours fidèle au poste – malgré une parenthèse dans un établissement genevois –, en qualité de stratégiste financier au sein de la division Asset Management et Trading (DAMT). Vous pensiez tout savoir de lui? Que nenni! Ce natif du scorpion a une passion: l’aquariophilie.
| Par Carlos Mateo Llaca, BCV

Énorme! C'est un bac de 600 litres.

Michel, être aquariophile, c’est quoi?

Pour moi, l’aquariophilie c’est élever des poissons d’aquarium au plus près de leur biotope. Je pars aussi du principe qu’ils doivent parvenir à se reproduire, car cela signifie qu’ils vivent, dans leur captivité, le plus près possible de leur condition optimale. Il faut tenir compte du fait que chaque espèce de poissons nécessite des conditions spécifiques pour se reproduire: température de l’eau, acidité, dureté, etc.

Quand avez-vous attrapé ce virus?

Lorsque j’étais à l’université, au début des années 1990, j’ai simplement acheté un aquarium, un peu par hasard. Et j’ai commis l’erreur classique du débutant: j’ai acheté un aquarium trop petit, d’une soixantaine de litres. J’en ai donc acquis un deuxième et ainsi de suite jusqu’à un superbe aquarium d’eau de mer de plus de 500 litres. J’habitais alors à Lutry, mais environ dix ans après, je suis parti dans le canton de Fribourg. J’ai abandonné ce qui n’était alors qu’un hobby, car je ne disposais pas d’assez de place.

Michel Thierrin nous montre l'un de ses aquariums.

Et comment avez-vous «rechuté»?

En 2017, à l’occasion de l’agrandissement de la maison, le virus m’a repris parce qu’il y avait quelques espaces à combler. Cette fois, je n’ai pas commis la même erreur que par le passé et j’ai pris un aquarium de 300 litres. Car à ce moment-là, j’avais déjà une idée des poissons que je voulais, surtout des cichlidés (voir photo ci-contre) d’Amérique centrale (avec une exception un cichlidé de Madagascar, dénommé paratilapia). Ils sont de taille moyenne, ont de belles couleurs et vivent dans une eau aux paramètres proches de celle dont je dispose à mon domicile. Dix-huit mois plus tard, après quelques succès en matière de reproduction, j’ai alors opté pour un mastodonte, un bac de 600 litres. Je pouvais ainsi regrouper de nombreux poissons qui vivaient dans de plus petits aquariums, dans mon garage. Et cela m’a également permis de prendre des poissons plus gros (maskaheros, hypsophrys, paratilapia), pouvant mesurer de 25 à 50 cm à l’âge adulte, et d’éviter la promiscuité. Il faut savoir que certains cichlidés peuvent être agressifs en période de frai (saison de reproduction des poissons et des amphibiens) et après l’éclosion des alevins, car ce sont des parents très protecteurs.

Quelques spécimens de cichlidés d'Amérique centrale.

Quelle est la situation actuelle?

Je dispose de deux aquariums de 300 et 600 litres dans mon salon et ma salle à manger. Ce sont, en quelque sorte, mes aquariums d’exposition qui contiennent les plus gros poissons. Puis, dans mon garage, j’ai en permanence deux à cinq aquariums de plus petite taille destinés à la reproduction et à l’élevage des alevins.

Cette passion, qu’est-ce que cela implique?

J’ai envie de dire une épouse compréhensive, car cela prend beaucoup de place, notamment dans les lieux de vie. Et aussi parce qu’il y a occasionnellement de petits accidents, des inondations, comme celle qui, en raison d’un tout petit joint défectueux, m’a contraint tôt le matin à éponger plus d’une bonne centaine de litres d’eau dans mon salon.

Tous les hobbys ou les passions demandent du temps, mais avec une bonne organisation, pas de problème. Il y a des moments plus stressants, qui requièrent d’être plus présent, comme en période de reproduction et après la naissance des alevins.

Ces derniers doivent être souvent séparés des parents dès la nage libre et nourris deux à trois fois par jour, exclusivement avec des crevettes microscopiques d’eau salée (nauplies d’artémia) au moment de leur éclosion. Les trente premiers jours sont délicats parce qu’il ne faut pas qu’il y ait d’interruption dans l’alimentation.

Qu’est-ce que cela vous apporte?

J’aime regarder mes poissons, les nourrir. C’est calme, reposant. J’aime également les élever et j’éprouve de la fierté lorsque je réussis à les faire se reproduire, d’autant plus que les cichlidés d’Amérique centrale sont une espèce peu courante dans les magasins parce que l’aquariophilie est devenue très standardisée. Enfin, j’ai du plaisir à partager ma passion et à aller à des expositions ou des foires. Je vends parfois quelques poissons sur internet, mais cela reste symbolique, ce n’est pas avec ça que je m’enrichis…

Il a l'air très sérieux, ce paratilapia de Madagascar.

Avez-vous une anecdote à raconter?

J’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises Patrick de Rham, une grande figure, si ce n’est la plus grande figure de l’aquariophilie en Suisse, qui habitait à Lausanne. Ce docteur en biologie a occupé plusieurs postes au sein de l’UNESCO et a découvert de nombreuses espèces de poissons dans les années 1980-1990, en Amérique centrale, Amérique du Sud et à Madagascar. C’est dans une bourse, alors que je recherchais une espèce de poissons impossible à trouver à l’époque, que j’ai connu Julien Lüchinger qui s’occupait des poissons de Patrick de Rham. Il m’a par la suite permis de rencontrer ce grand spécialiste, qui m’a offert quelques spécimens, dont des paratilapia (voir photo ci-contre) qu’il était à l’époque le seul à reproduire. Ils figurent parmi les plus beaux poissons que je possède.

Nous sommes toujours en quête de témoignages. Avez-vous un hobby, une passion que vous souhaitez partager avec vos collègues? N’hésitez pas à nous contacter.