Tendances

Crise sanitaire: l’économie vaudoise touchée, mais pas abattue

Si la récession n’est pas évitable, son ampleur reste difficile à déterminer. Les entreprises du canton font preuve de réactivité dans cette crise inédite.
| Par Anne Gaudard, BCV

Nicolas Brönnimann, Garden-Centre Jean Brönnimann: «Je sens mon équipe ultra-soudée»

Le pire était à craindre. Se réalisera-t-il? Au gré des statistiques économiques, l’ampleur de la récession causée par la crise sanitaire varie quelque peu. Mais les courbes de l’évolution de l’activité décrivent des mouvements saisissants. C’est vrai pour le monde. C’est vrai pour le canton. Alors que le déconfinement avance, les premiers chiffres laissent entrevoir une économie vaudoise touchée, mais pas abattue. Et surtout des situations fort différentes d’une branche à l’autre.

Le PIB vaudois est attendu en baisse d’environ 5% en 2020 et devrait rebondir de 3% en 2021, selon les chiffres de l’institut de l’Université de Lausanne et du CREA, publiés à la mi-juillet par la BCV, l’État de Vaud et la CVCI. En janvier, l’on s’attendait encore à une progression de 1,7% pour l’année qui commençait. C’était avant l’irruption du Covid-19 et des mesures prises pour tenter de limiter sa propagation. Le semi-confinement a stoppé l’élan des acteurs économiques – citoyens consommateurs y compris. Beaucoup se souviennent très bien du 16 mars. De ce jour où leur quotidien est devenu autre pour quelques longues semaines, comme en témoignent les entrepreneurs que la BCV a rencontrés durant la crise. Ainsi, Nicolas Brönimann, du Garden-Centre Jean Brönnimann, raconte que lui et son équipe avaient d’abord décidé de prendre les commandes par téléphone pour tenter de ne pas perdre l’entier des 500 000 plantes qu’ils espéraient vendre entre mars et mai. Un travail titanesque. La solution? Un magasin en ligne. De l’idée à la réalisation… cinq jours.

Forte réactivité

Comme le Garden-Centre de Villeneuve, un tiers des entreprises vaudoises a cherché de nouveaux canaux de distribution, notamment via internet. Et la tendance devrait se poursuivre, démontre un sondage réalisé par la cellule Études et analyses clients de la Banque auprès de 536 PME du canton. Elles sont en outre un quart à préciser vouloir revoir leur business plan pour l’avenir.

Cette réactivité à laquelle s’ajoutent bien sûr les aides rapidement mises sur pied par la Confédération et le Canton limiteront les effets d’un arrêt inédit dans l’histoire économique du canton. Jusqu’à quel point? Il est trop tôt pour le dire. Les premiers chiffres concrets montrent que la situation varie passablement d’un mois à l’autre. Ainsi en va-t-il du taux de chômage. Il a passé de 3,7% en février à 4,9% en avril. L’activité reprenait dans plusieurs secteurs, dont la construction. L’évolution conjoncturelle se lit toutefois avec un certain délai dans le nombre de sans-emploi. Nombre qui devrait ainsi encore progresser. Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) s’attend à ce que le taux de chômage atteigne 3,8% à la fin de l’année et 4,1% en 2021 sur le plan national. Il était de 2,5% en février.

Optimisme prudent

Si 40% des entreprises vaudoises estiment que la crise aura un impact négatif à court terme sur leur activité, elles sont la même proportion à s’avouer optimistes pour la reprise. Ainsi, les PME interrogées par la BCV sont majoritairement persuadées qu’elles pourront garder leur personnel (70%). Sans surprise au vu de la nature de la crise, celles actives dans l’hébergement et la restauration ou dans les arts sont les plus touchées par la situation actuelle.

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Que restera-t-il?

Le déconfinement n’a pas signifié un retour à la normale pour beaucoup d’entreprises. «Les dix premiers jours ont été euphoriques», puis, raconte Florence Stumpe, co-fondatrice de The Nail Company, «ce fut un énorme creux». Les semaines passant, les PME vaudoises redessinent leur avenir. Si quatre entreprises vaudoises sur dix voient leur activité reprendre à l’identique après la crise, un tiers envisage de se recentrer sur l’essentiel. Le sondage de la Banque relève en outre qu’elles sont 2,8% à envisager une vente ou une transmission. Près d’une sur deux s’attend à ce que de nouvelles idées d’affaires émergent de la crise. Beaucoup tournent le regard dans la même direction: la digitalisation. Il est aussi question de proximité ou de protection de l’environnement. Elles ne sont cependant que 4% à envisager une relocalisation de tout ou partie de leurs opérations. Elles sont un peu plus nombreuses (8%) à envisager de rapatrier leur approvisionnement.

Qu’en est-il de leur fonctionnement? Elles sont désormais 41% à autoriser le télétravail contre 23% avant la crise. Et s’avouent plutôt satisfaites puisque 71,5% d’entre elles applaudissent la productivité de leurs employés décentrés. Et après? La moitié des PME qui ont introduit le télétravail pense le maintenir.

Incertitudes autour de la reprise

Restent beaucoup d’incertitudes. Au-delà d’une potentielle nouvelle vague de contamination, elles résident surtout dans le comportement des acteurs économiques. Les ménages dépenseront-ils? Les chefs d’entreprise investiront-ils? Et le monde aura-t-il besoin des produits Made in Vaud? Car, si l’économie vaudoise dépend majoritairement de sa demande intérieure, elle est aussi exposée au commerce international à hauteur de 24%, importations et exportations comprises. C’est moins qu’au niveau national, mais c’est important pour des branches comme les machines, la chimie, l’horlogerie. Les exportations cantonales ont ainsi baissé de 13,5% au premier trimestre.

Et le monde se pose les mêmes questions que les Vaudois. Sur quel scénario de reprise compter? Fernando Martins da Silva, dans la Stratégie d’investissement de la Banque, évoque une reprise en forme de racine carrée pour l’économie mondiale. Soit un fort rebond, logique au vu de la violence du coup d’arrêt de mars, suivi d’une période incertaine dès la fin de l’été qui devrait se prolonger en 2021. L’économie vaudoise devrait suivre la tendance, même si elle pourrait se montrer plus résiliente. Mais toute prévision chiffrée est à prendre avec prudence tant le degré d’incertitude est élevé, précise Jean-Pascal Baechler de l’Observatoire de l’économie vaudoise à la BCV.

L’été sera donc clé. Comme en témoignent de nombreux entrepreneurs à l’instar d’Alexandre Géraud de Debitors Management. Et il le dit pour ses affaires – le recouvrement de créance – mais aussi celles de ses clients.

Plus de 680 millions prêtés

La BCV a, dès le début, été associée à l’opération prêt Covid-19. La task force rapidement mise sur pied (voir BCV Inside 4 et 5) a permis de répondre positivement à près de 6000 demandes (chiffres à fin juin) pour un montant total de 680 millions de francs. Si les entreprises ont jusqu’à fin juillet pour faire la demande de ce prêt pouvant se monter jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires, le plus gros de la vague des requêtes a eu lieu dans les semaines qui ont suivi le début du programme le 26 mars. L’entier des 40 milliards de francs mis à disposition des entreprises suisses par la Confédération n’a pas été utilisé. Les entreprises se sont montrées prudentes de crainte de se retrouver surendettées. D’autres disposaient d’un «coussin» qui leur a permis de parer au plus pressé.

Ces prêts à 0% durant la première année devront être remboursés dans les 5 à 7 ans. Un élément à prendre en compte lors de la demande. Ce fut notamment le cas pour les librairies Payot, comme l’a raconté son directeur général Pascal Vandenberghe lors de l’émission VOTRE ARGENT SPÉCIAL PME sur La Télé.

Il a coulé beaucoup d’encre autour des fraudes. Elles restent des cas isolés (moins de 1%) et la Banque procède, comme tous les participants à cette opération fédérale, à des contrôles.

Pascal Vandenberghe, Librairies Payot «Je mise sur un retour du livre»

Et qu’attendre sur les marchés financiers?


La chute de 30% la plus rapide de l’histoire suivie d’un rebond spectaculaire. La crise sanitaire se lira longtemps encore dans les courbes des indices boursiers de la planète. Dans sa Stratégie d’investissement, Fernando Martins da Silva affiche une certaine prudence pour les trimestres à venir en raison des incertitudes qui planent sur l’évolution de la reprise.

Stratégie d’investissement

 

 

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