Interview

Etienne Jobin, pastelliste autodidacte

Là où d’autres pratiquent la course à pied ou le yoga, Etienne Jobin a choisi la peinture. Elle s’est visiblement imposée à lui, car cette fibre artistique innée, qui lui vient de son père – lui-même artiste à ses heures – a frappé par trois fois dans cette famille de six enfants. Pourtant, aucun d’eux n’a professionnalisé ce don, qui est demeuré une «porte vers la liberté». Interview.
| Par Brigitte Demierre Prikhodkine, BCV

Etienne chez lui, dans une extension de son salon. Derrière, les «bulles intergalactiques», une fresque qu’il a réalisée lui-même. «J’avais un mur à disposition et l’idée était de faire quelque chose d’abstrait, dans la tonalité du mobilier. J’ai fait une esquisse sur une feuille A4, puis l’ai répliquée sur cette surface de 2,4x3,0 mètres. J’ai travaillé ici avec de l’acrylique. Les 95% de cette fresque sont réalisés à l’éponge. Cela m’a pris une semaine.

Quand vous êtes-vous mis à la peinture?

Etienne Jobin: J’ai commencé à dessiner enfant. Mes parents étaient commerçants, accaparés par leur travail. Comme cadet, j’avais une liberté totale et, lorsque je ne faisais pas les 400 coups avec les copains, je dessinais beaucoup. J’ai un peu tout laissé tomber quand j’ai commencé à travailler et que j’ai fondé une famille. Ma créativité et mon goût de l’esthétisme sont revenus quand je suis devenu propriétaire de la maison où je vis aujourd’hui. Je pouvais faire ce que je voulais dans mon espace, aménager et décorer comme j’en avais envie. Cela a fait ressurgir cette envie de réaliser des choses de mes propres mains.

Vous considérez-vous comme un artiste?

Oui et non. Non, parce que je manque de pratique et de technique académique; je serais incapable de croquer rapidement un portrait comme le font les artistes à Montmartre, par exemple. Mais bon nombre de mes proches m’appellent «l’artiste», parce qu’ils connaissent mon travail créatif. Je suis un artiste qui prémédite: habituellement, je me base sur des photos que j’ai faites et je dois visualiser d’emblée le tableau final avant de commencer. Il y a toute une démarche de construction préalable: image, support, cadrage, format, tonalité, style; je vise un but bien précis, à la manière d’un street artist ou d’un dessinateur de BD.

Avez-vous un atelier?

J’aurais la place, chez moi, mais je n’ai pas pris encore le temps d’organiser un espace dédié. Je peins donc à mon bureau ou sur chevalet. Cela impose quelques contraintes techniques: je ne peux pas faire de grands formats, par exemple. Je travaille sur des formats carrés de 40 à 80 cm de côté. J’encadre et j’expose directement dans la maison.

Quelle technique utilisez-vous?

Le pastel sec est ma technique de prédilection. Elle est fabuleuse. La couleur se présente sous forme de bâtonnets, comme des craies, ou de crayons très friables, composés de pigments minéraux, organiques ou végétaux. Le pastel ne permet pas de mélanger les couleurs sur une palette. L'application se fait directement sur le support, en superposant ou juxtaposant les couleurs, en les façonnant avec des petites éponges ou des estompes, ou encore avec les doigts. J’aime ce contact avec la texture et sentir son odeur. Dès l’œuvre terminée, il est nécessaire d’appliquer un fixatif, car le pastel sec est fragile et craint l’humidité.

Vous avez un compte Instagram présentant vos œuvres. Pourquoi?

Jusque-là, ma maison, c’était mon musée et seuls mes proches pouvaient apprécier ce que je faisais. C’est sur l’insistance de ma fille que j’ai ouvert un profil fin 2018. L’objectif est simplement de montrer mes œuvres, partager une passion, sans y raconter ma vie pour autant. Mes créations sont une partie de moi. En les exposant, je m’expose aussi et j’accepte les retours de la communauté.

Seriez-vous prêt à faire une exposition?

Oui, mais il faudrait une production plus soutenue. Ça arrivera un jour, je ne suis pas pressé; cela implique du temps que je n’ai pas en suffisance. Ma priorité aujourd’hui reste la BCV et mes projets très prenants. Et puis, mes tableaux sont aussi mes bébés, qu’il faut être prêt à lâcher… Bien sûr, je suis ouvert à les vendre, comme original ou reproduction signée, mais je n’ai aucune démarche active dans ce sens. Le pastel, c’est avant tout un moment d’évasion, de liberté apaisante et ressourçante.