Impulsion

Multibanking Retail: plusieurs banques sous un seul toit

Et s’il était possible d’avoir accès à tous ses comptes bancaires depuis une seule interface? C’est le principe du projet Multibanking Retail, qui connaîtra un premier développement en Suisse dès 2024. La BCV élabore déjà cette option à l’intention de ses clients entreprises.
| Par Camille Andres

Imaginez choisir votre compte courant comme un sac à main dans un grand magasin. Toute l’information est regroupée au même endroit, vous pouvez passer d’une marque à l’autre, examiner différents modèles et vous arrêter sur celui qui vous convient. C’est le principe de l’open banking: en optant pour ce système, un client peut regrouper toutes ses données bancaires – à condition que les établissements auxquels il est affilié utilisent cette technologie – et les traiter depuis une seule et même plateforme d’e-banking, indépendante ou proposée par sa banque principale.

Définition

L’open banking est défini par l’ASB comme un «modèle d'affaires basé sur l'échange standardisé et sécurisé de données entre une banque et des prestataires tiers dignes de confiance ou entre différentes banques».

Le principe paraît innovant. Pourtant, relativise Maxime Charbonnel, responsable du Département Multicanal à la BCV, «il existe déjà dans le domaine de la gestion de fortune, où le concept «d’architecture ouverte» permet à certains clients et clientes BCV d’accéder à des fonds produits par d’autres banques, par exemple». En outre, précise-t-il «l’open banking est déjà bien implanté dans une série d’autres pays.» Fin 2022 en Suisse, le Conseil fédéral a demandé à «voir des avancées significatives d’ici 2024» dans ce domaine et l’Association suisse des banquiers (ASB) a été mandatée pour porter le sujet, en coordination avec Swiss Fintech Innovation. C’est ainsi qu’est né le projet «Multibanking Retail».

Format pilote en 2024

Ce dernier réunit une série d’acteurs de la place financière suisse, dont la BCV (voir encadré) et prévoit de lancer une version pilote d’open banking d’ici 2024. Elle concerne uniquement la clientèle retail et ses comptes courants. Des utilisatrices et utilisateurs peu multibancarisés et donc, a priori, peu intéressés à ce service. «Pour le moment, il s’agit d’abord d’une validation technique du concept. D’un point de vue business, cette étape ne devrait pas transformer le marché», estime Maxime Charbonnel.

Mais l’ambition est bien de développer l’open banking à plus large échelle. À terme, la solution permettra d’accéder de manière simple et consolidée à tous ses comptes bancaires (épargne, hypothèque, compte courant…) et de réaliser toutes ses opérations. Sur le modèle de TWINT, l’outil pourrait fonctionner via une plateforme spécifique ou au sein de l’application de la banque principale de chaque client ou cliente.

«Le projet Multibanking Retail ne devrait pas transformer le marché. C'est une première étape qui permettra de mieux évaluer l'intérêt de l'open banking pour les banques et les clients», commente Maxime Charbonnel.

Lever une partie du secret bancaire

Pour la clientèle, la valeur ajoutée est évidemment de retrouver tous ses outils bancaires dans une même interface. Mais surtout d’interagir en un clic avec toutes ses banques, pour réaliser plus facilement et de manière plus éclairée ses achats et opérations, «comme si on disposait d’un comparateur bancaire en permanence», résume Maxime Charbonnel.

La contrepartie, c’est que le client ou la cliente devra aussi consentir à ce que certaines de ses informations bancaires soient visibles par les acteurs du marché présents sur la plateforme.

Lesquelles? «Au niveau juridique, cela est encore en train d’être défini», précise Maxime Charbonnel.

Quant aux banques, pourront-elles utiliser ces informations sur un plan commercial, par exemple proposer des offres en temps réel? Leur faudra-t-il faire remonter des mouvements ou comportements anormaux qu’elles distingueront sur des comptes qu’elles n’hébergent pas?

Enfin, l’autre implication concerne la cybersécurité «puisque les interactions entre clients et plateformes bancaires pourraient être démultipliées», souligne Maxime Charbonnel.

Pour l’industrie bancaire, cette solution ouvre des perspectives d’affaires, mais aussi des incertitudes. D’abord, pointe Maxime Charbonnel, «le risque d’une fragmentation du marché», donc une potentielle perte du volume d’affaires et donc une pression sur les marges. Par ailleurs, même si cela reste très hypothétique, l’open banking pourrait faciliter l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs (Meta, Google etc.), spécialistes de l’expérience utilisateur, qui intermédient déjà nos vies privées. Et qui pourraient ainsi s’approprier la relation client. «Or, c’est cette relation qui fait notre différence», estime le responsable. D’où l’intérêt pour la Banque d’être pionnier sur cette solution, et que la clientèle utilise l’open banking…via son app BCV!

Et à la BCV?

La Banque a commencé à travailler sur l’open banking avant le projet Multibanking retail. La BCV développe depuis un an et demi une solution dédiée aux entreprises, leur permettant d’avoir accès via leur e-banking BCV à différents logiciels comptables puis, à terme, aux comptes détenus dans d’autres banques. La solution, qui devrait être déployée fin 2023, facilite les opérations et les prises de décisions des responsables financiers d’entreprises. Et le protocole technique utilisé pour cette innovation est le même que celui choisi dans le cadre du projet Multibanking retail, auquel la Banque a pris part dès sa création.